Samedi, nuit

 

          Franck me déteste. Je n'arrive plus à réfléchir. Il ne supporte pas ma présence. Je n'ai nulle part où aller. Je ne peux pas échapper à son regard haineux. Je n'arrive même plus à parler, ce qui le met hors de lui.

         Aujourd'hui, nous devions aller chez Gwen, que nous n'avons pas vu depuis trois semaines. Mal dormi, de mauvaise humeur, il a annulé. Il ne m'a même pas demandé mon avis. Ça m'aurait peut-être fait du bien de voir d'autres personnes que Franck ou sa mère. Mais bon, Gwen et Philippe, ce n'est pas non plus la panacée. Un trivial en buvant une bière, Philippe qui fouille le frigo, un peu de foot à la télé et retour au bercail.

        J'ai passé trois jours à faire du ménage. En pure perte. Sa mère ou une femme de ménage rémunérée seraient ravies de s'en charger. Je ne sers à rien. Avec sa mère, il pourrait très bien se passer de moi. Je ne sais pas ce que je lui ai fait, mais il me déteste. Pourquoi continuerait-il à me supporter ?

       Je n'ai de répit que lorsqu'il dort, le soir, et que je peux me réfugier dans mon coin, avec ma télé et mon pc. Mais ça aussi, ça l'énerve. Comme ça aussi, je suis sous ses yeux car il dort dans le salon. Il m'observe, il cogite, il me juge, il s'agace. Jamais personne ne m'avait jugée à ce point. Détestée à ce point. 

       Pourtant, je ne mérite pas ça. Je ne mérite pas un tel mauvais jugement. Je n'ai pas droit à la moindre erreur, ni la moindre faiblesse. Pas le droit d'être fatiguée, pas le droit d'être un peu silencieuse. 

       Et demain, ça va recommencer. Je peux m'occuper à faire encore du ménage, mais je ne peux pas faire que ça. Il y a forcément un moment où je vais me retrouver dans le salon, en face de lui, avec rien à dire, puisque de toute façon il me déteste. Quand je lui parle, soit il ne m'écoute pas, soit il me contredit. Ça ne donne pas envie de discuter. Je suppose qu'il va demander à sa mère de passer.

       Ça me soulage d'écrire ici, mais il est aussi capable, comme il l'a déjà fait, de fouiller mon pc pour venir lire ce que j'écris. Je n'ai aucune issue. Même ici, je ne dis pas tout ce que je pense.