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Journal de Stef

  • Ambivalence

     

              Comme vous le savez (ou pas), Franck est schizophrène. Hier, je lui ai lâché qu'il fallait qu'il arrête de faire la gueule. S'en est suivie toute une tirade pas très sympa sur le fait qu'il ne changerait pas et que si c'était trop difficile pour moi, je n'avais qu'à partir. Et que si je n'arrivais pas à prendre la décision, il déciderait pour moi. Je n'ai rien dit et la soirée s'est passée dans une ambiance pourrie.

              Ce matin, j'ai mis du temps pour me décider à me lever et affronter la journée. Depuis un bon moment, dès que j'arrive dans le salon pour prendre mon petit-déjeuner, Franck ne supporte pas ma présence. Et je n'ai aucun refuge. Ce matin, encore une fois, il m'a lâché que nous devions nous séparer. Je n'ai pu qu'acquiescer. Il ne me supporte plus et moi, je ne supporte plus qu'il me fasse la gueule sans arrêt. Alors Ok, séparons nous une bonne fois pour toutes.

              Ensuite, comme la vie continue et que, contrairement à lui, j'ai des choses à faire, j'ai vaqué à mes occupations. En début d'après-midi, j'ai cherché quelques annonces de locations, puis je suis sortie marcher une petite demi-heure.

              A mon retour, il avait changé d'avis ! Comme d'habitude, me direz-vous, mais je n'arrive pas à m'y faire. Il me proposait une colocation, comme il l'a déjà fait des dizaines de fois. Et pour finir, on ne change rien.

              Et après douze années de relation, je viens seulement de comprendre ce que signifie le mot "ambivalence" dans la schizophrénie. Personne ne m'avait expliqué ça. La coexistence de deux sentiments opposés, l'amour et la haine, pour un même sujet. Si cela vous intéresse, vous pouvez creuser le sujet, il suffit de taper "ambivalence psychiatrie" dans Google et vous saurez tout. Moi, je le vis depuis douze ans et je ne savais rien. 

              Mais maintenant, j'ai compris. Et je ne peux pas vraiment lui en vouloir. Ce n'est pas de sa faute s'il change d'avis sans arrêt, c'est à cause de sa schizophrénie. Je crois qu'avoir compris ça va changer ma vie ! Je vais voir les choses très différemment.

              Bon, et à part ça, bonne nouvelle, j'ai rendez-vous chez un ophtalmologue le 19 décembre. En plus, c'est tout près d'ici. Je vais enfin pouvoir parler de mes pauvres yeux fatigués.

              Autre bonne nouvelle, Franck a annulé son rendez-vous à l'hôpital de Bleau pour la journée sur le diabète. Je n'aurai pas à me lever super tôt et surtout, je n'aurai pas à conduire de nuit. Je suis infiniment soulagée ! Mais samedi, nous devons aller voir Gwen et j'espère que ça va aller pour le trajet.

              Pour finir, ça fait plus d'un mois que je n'ai pas fumé. Et depuis quelques jours, je ne mets plus de patch. En revanche, il m'est arrivé de boire de l'alcool, mais rien de bien méchant.

              Le mot du jour, c'est "ambivalence". A bientôt pour de nouvelles aventures !

              

  • Samedi

     

              Hier, nous avions rendez-vous au commissariat pour être auditionnés à propos de Philippe. Rien de grave, mais ce fut très éprouvant. D'abord Franck, puis moi-même, durant environ 1h chacun. C'était aussi intéressant de voir comment le policier menait son enquête, et de discuter de Philippe avec lui. Il essayait de comprendre ce qui s'était passé.

              Il a appris pas mal de choses avec nous, vu que nous étions les personnes les plus proches de Philippe. Nous aussi, nous avons appris des choses. Ainsi, par exemple, il n'a jamais dit à sa soeur qu'il avait eu un enfant décédé à deux mois. Elle n'était pas au courant.

              Enfin, voilà, une heure chacun à parler de Philippe à un policier. Franck est passé le premier et j'ai attendu mon tour dans le hall, sur un banc en bois très inconfortable. Franck, lui, m'a attendue dans la voiture.

              Je suis sortie de cet entretien complètement vidée.

              Aujourd'hui, nous devions aller chez Gwen, mais pour une fois, c'est moi qui ai annulé. Je me sentais très angoissée à l'idée de conduire. J'avais du mal à respirer, je n'étais pas bien du tout. Le cerveau un peu patraque aussi, et une vision pas très claire. J'ai les yeux fatigués et je vois un peu trouble. Je me demande si je n'ai pas de plus en plus de mal à conduire.

              Le 15 décembre, je dois emmener Franck à l'hôpital de Bleau car il doit assister à une journée d'information sur le diabète. Il doit y être à 8h du matin, ce qui signifie pour moi me lever très tôt et rouler de nuit. Ça m'angoisse terriblement.

              Bon, j'ai quand même pu lire un peu aujourd'hui. 

              Je crois que je ressens maintenant toute la fatigue et les soucis accumulés depuis ce dimanche où Franck est parti pour l'hôpital avec les pompiers. Les allers-retours en voiture, l'inquiétude, puis le retour, les histoires de séparation et maintenant, le décès de Philippe. Je suis fatiguée. Sans parler du fait que Franck me fait la gueule quasiment chaque matin.

              Fatiguée.

              

  • Stef pour Plumes, Marie, MARIEB et Nina

     

              Oui, c'est triste, mais en même temps, c'est peut-être mieux comme ça. Philippe est mort asphyxié par la fumée. Il a dû perdre connaissance rapidement. Une mort assez violente mais rapide.

              Aussi, il était croyant et ne s'était jamais remis de la perte de ses parents. Il priait tous les jours pour eux et n'attendait plus que de les rejoindre au Paradis. Et de retrouver aussi l'enfant qu'il a perdu à l'âge de deux mois seulement. J'espère que ses prières se sont réalisées et qu'il est enfin auprès de ceux qu'il aime et qui lui manquaient tant.

              Pour Nina : Effectivement, Philippe était atteint du syndrome de Diogène. Je ne savais pas trop ce que c'était et nous pouvons enfin mettre un nom sur ce qui lui arrivait, cet état de délabrement, de négligence totale de lui-même et de son environnement. Je m'en veux un peu de ne pas l'avoir su plus tôt. Ce n'était pas vraiment sa faute s'il ne se lavait pas, c'était une maladie, sans doute générée par un profond désespoir.

              Merci pour vos commentaires, les filles. Je crois que Philippe est bien mieux là où il est maintenant. 

  • Philippe est mort.

     

              Il est parti en fumée, dans l'incendie de son appartement, dans la nuit de mercredi à jeudi. Les habitants de la résidence ont pu être évacués à temps, il n'y a pas d'autre victime. L'incendie a été violent, tout l'appart a cramé, et Philippe avec.

              Après quatre jours sans nouvelles de lui, Franck a appelé la soeur de Philippe, dont il avait le numéro, au cas où. C'est elle qui nous a dit pour l'incendie, disant que les pompiers avaient trouvé "un corps" dans l'appartement, sans plus de précision. Une enquête policière est ouverte, comme toujours dans ce genre de cas. Nous avons le numéro du brigadier-chef qui s'en occupe. Bien sûr, il ne fait aucun doute que le "corps" retrouvé est celui de Philippe.

              Il faisait des trous de cigarettes partout sur ses vêtements et dans des endroits improbables comme le dos de son blouson ou encore sur ses chaussures. C'est sans doute une cigarette qui a mis le feu. On peut dire qu'il est mort à cause du tabac.

              A part ça, la journée a été assez bonne. Franck a voulu marcher et nous sommes sortis faire une petite balade. Ce soir, j'ai lu pendant une heure.

              Voilà pour aujourd'hui. Nous avons du mal à réaliser que Philippe est mort.

  • Samedi

     

              Ça va un peu mieux aujourd'hui. Je suis sortie marcher une petite demi-heure en début d'après-midi. Ça m'a fait du bien. Il y a un moment que je ne sortais plus. Et puis j'ai commencé L'Institut de Stephen King. Environ une heure de lecture, ça m'a un peu changé les idées.

              Aujourd'hui encore, Franck a appelé sa mère deux fois. Son père, une fois. Et Philippe, qui ne répond toujours pas. J'ai beau ne pas l'apprécier, ça me fait un peu de peine pour Franck, qui le considère comme son meilleur copain. Aucune nouvelle depuis trois jours. Soit il fait la gueule, soit il lui est arrivé quelque chose. Comme je l'ai déjà écrit hier, nous sommes bien seuls.

              Je crois que cette solitude est un problème bien complexe pour nous. La maladie mentale nous isole. 

  • Vendredi

     

              Franck n'était pas bien aujourd'hui. En plus, c'était le jour de son injection. Ce matin, dès mon réveil, il me faisait déjà la gueule. 

              Il s'est plaint toute la journée de sensations bizarres dans la tête. Ce soir, il n'a pas beaucoup mangé. Hypoglycémie dans la nuit, comme c'est déjà arrivé une fois depuis sa sortie de l'hôpital ? Il a un petit appareil qui sonne si c'est le cas. Encore faut-il l'entendre. On verra bien.

              Là, il s'est endormi avec sa machine à respirer. Il semble dormir paisiblement. Il respire régulièrement.

              Il a appelé sa mère deux fois aujourd'hui. La première fois, ils se sont embrouillés, comme souvent. Ils sont aussi insupportables l'un que l'autre. Philippe n'a ni appelé, ni répondu depuis deux jours. Je crois qu'il fait la gueule parce qu'il n'a pas été invité samedi dernier. Nicolas est toujours hospitalisé. Il ne passe plus et écourte les appels de Franck.

              Comme nous sommes seuls ! Comme je suis seule ! Personne à qui parler, personne avec qui sourire un peu. Franck ne pense qu'au sexe et à sa petite personne. Il n'y a que ses blagues de cul qui l'amusent. Pipi, caca, ça le fait rire. Le reste du temps,  il se regarde le nombril. Et je dois écouter.

              Je souffre. Chaque jour. Je redoute de me lever le matin, en me demandant quelle pauvre journée je vais encore passer.

              Partir ? Facile à dire. Où ? Comment ? Et toute seule comme toujours.

              Et si je me disais tant pis, c'est comme ça, c'est ma vie et je n'ai qu'à l'accepter. Une vie sans joie et surtout sans amour d'aucune sorte, tant pis, c'est ma vie, c'est comme ça. Un jour, il se passera quelque chose, on verra bien quoi.

              Mon psy est gentil, il m'écoute, il me fait mon ordonnance, mais il n'a pas de solution.

              Je m'ennuie profondément.

              Franck se réveille, je quitte, sinon il vient espionner ce que j'écris derrière moi.  

  • Mercredi

     

              Bon gré, mal gré, la vie reprend son cours. Je ne sais pas trop où j'en suis. Franck s'est calmé, moi aussi. Et c'est reparti pour un tour.

              Sa mère est sortie de sa clinique de rééducation aujourd'hui. Il est allé la voir cet après-midi. Moi, j'ai fait du ménage. Hélène finira demain. Elle vient le jeudi maintenant.

              Je me suis payé un nouvel ordinateur. Il est très bien.

              Gwen est venu nous voir samedi dernier. Il a pris le bus et le train et nous l'avons ramené chez lui en voiture. Un après-midi sympa, nous avons joué à un nouveau jeu de société. Franck n'avait pas invité Philippe, quel soulagement ! 

              Vendredi, j'ai vu mon psy. J'ai beaucoup parlé, ça m'a fait du bien. J'en avais besoin.

              Rien de palpitant, donc. Je vais faire mon possible pour retrouver un peu de joie de vivre. Elle ne doit pas être bien loin.

  • Samedi

     

              J'ai reçu une réponse pour le studio. Il est réservé. Dommage, mais pourquoi ne retirent ils pas l'annonce ? Un peu déçue, mais je vais continuer à chercher.

              Pendant ce temps, Franck se demande comment il va faire tout seul. Me propose une "colocation". Rassurez-vous, je dis non, même s'il me fait un peu de peine. Je n'oublie pas toutes les fois où il m'a fait vivre l'enfer sans raison par le passé. Ni toutes les fois où il le fera dans le futur. Aujourd'hui, il a tenté sa chance et m'a proposé du sexe. Là aussi, j'ai dit non. Il a répondu qu'au moins, il avait essayé. C'est le genre de chose qui pourrait le mettre de mauvaise humeur, à la longue. Mais ma recherche de logement dépend en grande partie de l'humeur de Franck. Soit il est cool et j'ai le temps, soit il me fait des misères et je suis dans l'urgence. On verra.

              Finalement, Gwen n'est pas venu aujourd'hui car il avait mal dormi et se sentait angoissé. Demain, c'est le père de Franck qui va passer nous voir car il fait une visite dans la région. La dernière fois que je l'ai vu, nous venions de nous marier !

              C'est tout pour aujourd'hui !

  • Vendredi

     

              Mon forfait de téléphone est activé. Mercredi, j'ai fait le ménage, et hier, Hélène est venue nettoyer les vitres.

              Je suis fière de moi aujourd'hui car j'ai postulé pour le studio qui se situe dans la rue derrière l'appart. J'ai scanné tous les documents nécessaires et posé une demande de visite. Franck s'est même porté garant pour moi. Il n'y a plus qu'à attendre un appel de l'agence. J'aimerais tellement que ça marche !!

              Sinon, il y a un appartement vraiment bien et pas cher du tout, mais c'est à une vingtaine de kilomètres d'ici, ça fait loin quand même. C'est en pleine campagne, ça doit être un tout petit village. Mais bon, j'ai une voiture. Nous en avons chacun payé la moitié et, pour l'instant, Franck a décidé de ne pas me réclamer sa part, si je le véhicule quand il en a besoin, par exemple pour le dentiste ou d'autres rendez-vous médicaux. Pour ça, il me préfère à sa mère ou à Philippe.

              En parlant de cette dernière, Franck l'a appelée ce matin et elle est toujours aussi chiante, même à distance. Elle revient le 26 novembre. J'ai hâte d'être débarrassée d'elle, et sans doute elle de moi !

              Enfin, voilà, tout va bien, l'entente avec Franck est bonne, tout ce que j'ai à faire, c'est chercher des logements qui me conviennent, et postuler !

              D'ailleurs, Franck s'est adouci et il veut bien voir Gwen qui vient nous rendre visite demain. Il a aussi décidé de ne pas laisser Philippe tout seul pour le Nouvel An et l'a invité pour le réveillon, à la condition qu'il prenne une douche (ici, donc :/). Je m'en serais bien passée du Philippe. Je ne sais d'ailleurs pas comment il va faire, car il ne pourra pas fumer.

              Franck est toujours autant persuadé que je vais finir en couple avec Gwen. Impossible, malgré mes récriminations, de le faire penser différemment. C'est chiant, la schizophrénie. 

  • Mardi

     

              Ouf, ça va bien mieux aujourd'hui ! Après une matinée tendue, l'ambiance s'est dégelée en début d'après-midi. Franck a abandonné ses regards haineux et a daigné m'adresser la parole. Nous avons discuté de notre séparation, divorce, logement, voiture, etc... Bon, ça devrait bien se passer.

              Il faut juste que je trouve un studio ! Vivement que mon forfait de téléphone soit enfin activé !