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Journal de Stef - Page 5

  • Café

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  • Samedi, nuit

     

              J'ai lu des témoignages de personnes obligées de vivre dans leur voiture. C'est totalement décourageant ! Il y en a même qui travaillent et qui, pourtant, ne trouvent pas de logement. Démoralisant !!

              Alors finalement, je ne crois pas que je vais partir comme ça, tout envoyer balader. Je vais quand même chercher un studio, mais il n'est plus question de vivre dans ma voiture. C'est trop risqué, trop dangereux, trop difficile. Et ça peut durer longtemps !

              Et pourtant, je ne perds pas espoir. Il y a d'un côté les témoignages que j'ai lus, et de l'autre côté ma propre expérience. En 2009, après une séparation, j'ai bien trouvé un logement alors que j'étais au chômage et sans avoir de garant. Bien sûr, c'était tout petit, mais il y avait l'essentiel. Je n'y étais pas si mal que ça. Si seulement je n'avais pas été aussi déprimée de me retrouver seule, j'aurais pu être heureuse.

              Alors voilà, le coup de la voiture, ce n'est vraiment pas possible ! Je vais prendre mon mal en patience et trouver d'autres solutions.

  • Jeudi, suite

     

              Quand j'ai rencontré Franck, au CATTP en 2013, j'étais au fond du trou, dans le désespoir et la solitude les plus profonds. J'étais totalement seule depuis quatre ans. Pas de famille, pas d'amis, pas de copain, au chômage... Je touchais le fond du fond.

              Profondément dépressive. C'est pourquoi, quand il s'est intéressé à moi (pour le sexe, je n'étais pas trop farouche à l'époque), je me suis vite accrochée à lui. J'ai vite été déçue quand j'ai constaté qu'il n'y avait que cela qui l'intéressait chez moi. Mais j'aurais fait n'importe quoi pour ne pas retomber dans ma solitude.

              A cette époque aussi, j'ai commencé à voir une psychiatre, celle qui m'a aiguillée vers le CATTP. Elle m'a prescrit des médicaments qui m'ont beaucoup aidée. Maintenant, j'ai un traitement stable qui me convient très bien.

              Aussi, j'ai un nouveau psychiatre. Il est très bien, très gentil et de bon conseil. Juste un peu loin, je dois prendre la voiture pour le voir.

              Au début, je lui ai parlé de mon problème de déglutition qui m'empêche d'avaler des comprimés, m'empêche même de manger normalement. Il m'a regardée et m'a dit : "qu'est-ce qui vous reste en travers de la gorge ?". J'ai répondu que je ne savais pas.

              C'était au tout début. Mais finalement, je crois savoir. C'est le comportement de Franck à mon égard qui me reste en travers de la gorge. Et notamment une chose.

              Pour celles et ceux qui étaient déjà là à cette époque, rappelez-vous que quand j'ai connu Franck, il était plus ou moins en couple avec Odile et que son ex-compagne était aussi sur le coup. Tout cela était très instable. Mais un jour, nous étions chez moi et nous venions de "baiser", il m'a regardée droit dans les yeux et m'a lâché : "Tu vois, Odile, j'ai de l'affection pour elle, alors que toi, je ne t'aime pas". J'ai essayé de faire bonne figure, mais en fait, j'étais dévastée, totalement déconfite. 

              Je crois que depuis ce jour, nos rapports n'ont absolument pas évolué. Il ne m'aime pas, il me l'a dit dès le début, et je me suis accrochée quand même. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je croyais qu'avec le temps, il changerait d'opinion à mon égard. Mais non, même après dix ans, il ne m'aime toujours pas. C'est pourquoi je vais partir.

              Je n'ai plus peur d'être seule. Au contraire. En 2009, quand je me suis retrouvée seule, je n'avais pas choisi. Maintenant, c'est différent.

              Et puis, j'ajoute une dernière chose. Au début, je ne voulais pas vivre avec Franck. Je croyais que nous pourrions vivre chacun chez soi, sans être continuellement ensemble. Trouver un équilibre. Mais Franck ne supportait pas d'être seul chez lui. Il lui faut un public. Un jour, je lui ai dit que j'allais passer le week-end tranquillement chez moi. On se voyait déjà toute la semaine. J'avais l'intention de m'occuper de moi, de mon chez-moi. Et le week-end est arrivé. Il m'a appelée et m'a demandé s'il pouvait venir. Ça me faisait chier mais j'ai quand même dit oui. Parce que je savais que si j'avais dit non, il serait allé chez Odile. Odile, pour laquelle "il avait de l'affection, alors que moi, il ne m'aimait pas". J'ai cédé et pour cela aussi, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Depuis ce jour, on ne s'est plus quitté. Et j'ai perdu toute tranquillité, toute intimité.

              J'ai besoin d'être un peu seule parfois, de me retrouver, de réfléchir au calme, de faire des trucs qui ne regardent que moi. Depuis ce jour, je n'ai plus jamais été tranquille.

  • Jeudi, nuit

     

              Ce que je possède : des vêtements, pas beaucoup, ça tient dans un sac-à-dos de camping, quelques livres et quelques dvds, soit environ deux sacs shopping, mon ordinateur, mon téléphone et deux ou trois bricoles. C'est tout ce que je possède. C'est peu mais ce sont des choses auxquelles je tiens. Enfin, je n'ai vraiment pas grand-chose. Ça tient largement dans ma Twingo.

              Je me suis fait la réflexion qu'en dix ans de relation avec Franck, je n'ai absolument rien construit. Il n'y a rien qui nous attache l'un à l'autre.

              Pour lui, c'est plus ou moins reparti comme avant. Tout à l'heure, il a dit un truc, je ne sais plus quoi exactement, mais il faisait allusion au fait que nous étions "chez nous". J'ai répondu quelque chose comme : "Oui, toi tu es chez toi". Bien que là, ce ne soit pas vraiment exact puisque c'est sa mère qui est propriétaire de l'appartement. Mais moi, je ne suis pas chez moi et ça me pèse énormément. Quand je lui ai répondu que lui était chez lui, il m'a dit : "Oui, mais tu en profites aussi'. Franck est persuadé que je reste avec lui pour le confort matériel qu'il m'apporte. Et il pense qu'en échange, je dois tout accepter de lui. Je dois le satisfaire sexuellement, faire le ménage ( car la femme de ménage que sa mère nous a obligés à prendre ne fait pas tout ce qu'il y a à faire ), faire la bouffe, aller chercher les courses, le conduire à ses rendez-vous et l'attendre dans la voiture, aller chercher ses médicaments à la pharmacie, faire la vaisselle, vider les poubelles, remonter les bières qui sont stockées dans le garage, m'occuper de Max, m'occuper de la lessive... La liste n'est pas exhaustive. C'est simple, il ne fait absolument rien, je fais tout, et il trouve encore le moyen de se plaindre.

              Ce n'est pas simple de partir.

              Il faudrait que je me lance, que je fasse une sorte de coming-out, comme les homosexuels. Il faudrait que je lui dise : "Je pars, je m'en vais". Et voir ce qu'il se passe. Je crois bien qu'il ne me retiendrait pas, par orgueil. Je ne veux pas penser à ce qu'il deviendrait sans moi. Ce n'est pas mon problème. J'en ai assez qu'il me traite comme une merde.

              Et puis, je suis si seule ! Impossible de rencontrer qui que ce soit dans ces conditions.

  • Mercredi

     

              Je me suis réveillée un peu la boule au ventre, me demandant comment allait se passer la journée. J'arrive dans le salon, Franck m'adresse un "salut" peu enjoué. Je réponds la même chose, sur le même ton. Ensuite, je m'installe comme hier devant mon ordi, avec mon café, sans un mot, ni d'un côté, ni de l'autre. Enfin, il finit par m'asséner : "tu peux te chercher un appart, Stéphanie". J'ai répondu : "ouais, ouais", et je suis retournée à mon café et à mon silence.

              Plus tard, coup de sonnette. J'ai cru que c'était sa mère qui débarquait. Non, c'était Philippe et Nicolas. Nous n'avions pas revu ce dernier depuis que nous l'avions hébergé avec sa copine en 2019. Ce sont les deux seuls copains de Franck, schizophrènes comme lui. Ils sont restés un moment, le temps de boire une bière. 

              Philippe était dans un état de crasse indescriptible et Nicolas n'était guère mieux. Et tous les deux dégageaient une odeur insoutenable qui a persisté dans la pièce même après leur départ. Pour la conversation, Philippe n'a pas prononcé le moindre mot, tandis que Nicolas déblatérait tout seul son éternel discours, avec les mêmes vieilles histoires depuis des années. Même Franck ne pouvait pas en placer une. Il n'y avait aucun échange, aucune communication. Voilà donc ses copains. Je crois que ça lui a fait un choc de voir Nicolas dans cet état. Il l'avait de temps en temps au téléphone, mais il ne s'attendait pas à le voir dans un tel état physique.

              Puis, quand ils sont partis, l'ambiance s'est un peu détendue. Et Franck me dit : " Bon, on ne va pas se désolidariser". En gros, il a certainement réfléchi et n'est pas très à l'aise avec l'idée de se retrouver seul avec sa mère et ses deux seuls copains. 

              Je ne l'ai pas détrompé, mais j'ai bien l'intention de partir quand même. Hier soir, je me suis renseignée sur les démarches à effectuer lorsqu'on se retrouve sans-abri, l'hébergement d'urgence. Il faut appeler le 115, et de là, on peut rencontrer les travailleurs sociaux qui vont vous accompagner. J'espère ne pas en arriver là, mais s'il le faut...

              Bon, tout ça pour dire que, comme toujours, Franck voudrait se débarrasser de moi, mais pour le moment, je suis encore bien trop utile ! Il s'est ravisé. L'atmosphère sera peut-être un peu moins tendue. Hé hé, il a quand même trouvé le moyen de me dire qu'hier soir, je n'avais pas fait la vaisselle... Sans commentaire.

  • Mardi, suite

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  • Mardi

     

              Aujourd'hui, je me suis réveillée en entendant Franck parler au téléphone avec sa mère. Il avait mis le haut-parleur. Il se plaignait de moi. Et elle a répondu que je le tirais vers le bas. J'ai alors déboulé dans le salon, assez furax d'entendre ça. Me voyant arriver, il a immédiatement mis fin à la conversation. Je me suis un peu énervée et il m'a lancé méchamment qu'il n'avait pas envie de parler. Et la journée est passée comme ça, sans un seul mot. Lui, dans le canapé, moi, au bureau devant mon ordi.

              Et vers 19h, nous entendons frapper fort contre les volets qui étaient fermés à cause de la chaleur. Sa mère et une de ses copines. Elle n'a même pas téléphoné avant de passer, non, elle s'est incrustée, comme ça, avec sa copine. Franck a fait comme si de rien n'était. Moi, j'étais très mal-à-l'aise. Et je crois que tout le monde l'a remarqué.

              Alors voilà, selon sa mère, je tire Franck vers le bas. C'est un peu vexant, quand même. Pas vraiment sympa. Mais bon, je savais déjà qu'elle était hypocrite à mon sujet. Ce n'est pas une surprise.

              Moi, j'ai commencé à m'énerver en entendant leur conversation, mais très vite, je me suis ravisée. Je n'ai plus du tout envie de m'énerver. Et finalement, je n'ai pas passé une si mauvaise journée. Ne pas entendre Franck déblatérer des conneries à longueur de temps, aller à mon rythme, ne pas être obligée de parler ou être en difficulté car je ne trouve rien à dire, ça m'a finalement fait du bien. J'ai passé la journée à lire des trucs positifs, des articles, des citations. Je me suis bien un peu ennuyée par moments, mais pour ça, contrairement à Franck, je ne m'en prends qu'à moi-même.

              Et je n'ai aucune idée de ce qu'il va se passer demain !

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  • Lundi, nuit

     

              C'est dur, très difficile. Partir, dès que je peux. Je m'accroche. Il me déteste tellement que j'ai peur qu'il m'agresse. On ne sait jamais ce qui peut arriver avec un schizophrène. Il suffit qu'il pète un plomb.

     
    C'est quoi la cruauté mentale ?
     
     
    Elle se caractérise par le comportement moralement agressif ou violent d'un individu vis-à-vis d'un autre individu. Elle peut se manifester par des paroles ou des actes qui influencent l'autre dans ses sentiments d'être aimé ou détesté.
  • Mardi

     

              Je déprimais un peu, ne voyant pas trop de solution. Je me suis dis que j'allais ouvrir Pinterest et voir... Et sur la première page, tout en haut, écrit en gros, il y avait ça :

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              Ben, ça m'a fait du bien ! :)

  • Dimanche, nuit

     

              Je me suis fait un compte sur le site de l'agence pour proposer ma demande. Il faut un garant. Ça va être difficile de trouver un logement avec un petit revenu et sans garant.

              Du coup, je vais essayer de prendre un rendez-vous avec une assistante sociale de ma ville. C'est tout ce que je peux faire. Il y aura peut-être une solution. 

              A part ça, la journée a été mortelle. Franck et moi ne nous sommes presque pas adressés la parole. L'ambiance était bien lourde. Je me suis réfugiée devant mon ordi. J'ai aussi lu un peu. Mais pas facile de se concentrer dans ces conditions.

              Bon, demain, j'ai des démarches à faire, ça va m'occuper un peu. Ça va me faire avancer.