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  • Philippe est mort.

     

              Il est parti en fumée, dans l'incendie de son appartement, dans la nuit de mercredi à jeudi. Les habitants de la résidence ont pu être évacués à temps, il n'y a pas d'autre victime. L'incendie a été violent, tout l'appart a cramé, et Philippe avec.

              Après quatre jours sans nouvelles de lui, Franck a appelé la soeur de Philippe, dont il avait le numéro, au cas où. C'est elle qui nous a dit pour l'incendie, disant que les pompiers avaient trouvé "un corps" dans l'appartement, sans plus de précision. Une enquête policière est ouverte, comme toujours dans ce genre de cas. Nous avons le numéro du brigadier-chef qui s'en occupe. Bien sûr, il ne fait aucun doute que le "corps" retrouvé est celui de Philippe.

              Il faisait des trous de cigarettes partout sur ses vêtements et dans des endroits improbables comme le dos de son blouson ou encore sur ses chaussures. C'est sans doute une cigarette qui a mis le feu. On peut dire qu'il est mort à cause du tabac.

              A part ça, la journée a été assez bonne. Franck a voulu marcher et nous sommes sortis faire une petite balade. Ce soir, j'ai lu pendant une heure.

              Voilà pour aujourd'hui. Nous avons du mal à réaliser que Philippe est mort.

  • Samedi

     

              Ça va un peu mieux aujourd'hui. Je suis sortie marcher une petite demi-heure en début d'après-midi. Ça m'a fait du bien. Il y a un moment que je ne sortais plus. Et puis j'ai commencé L'Institut de Stephen King. Environ une heure de lecture, ça m'a un peu changé les idées.

              Aujourd'hui encore, Franck a appelé sa mère deux fois. Son père, une fois. Et Philippe, qui ne répond toujours pas. J'ai beau ne pas l'apprécier, ça me fait un peu de peine pour Franck, qui le considère comme son meilleur copain. Aucune nouvelle depuis trois jours. Soit il fait la gueule, soit il lui est arrivé quelque chose. Comme je l'ai déjà écrit hier, nous sommes bien seuls.

              Je crois que cette solitude est un problème bien complexe pour nous. La maladie mentale nous isole. 

  • Vendredi

     

              Franck n'était pas bien aujourd'hui. En plus, c'était le jour de son injection. Ce matin, dès mon réveil, il me faisait déjà la gueule. 

              Il s'est plaint toute la journée de sensations bizarres dans la tête. Ce soir, il n'a pas beaucoup mangé. Hypoglycémie dans la nuit, comme c'est déjà arrivé une fois depuis sa sortie de l'hôpital ? Il a un petit appareil qui sonne si c'est le cas. Encore faut-il l'entendre. On verra bien.

              Là, il s'est endormi avec sa machine à respirer. Il semble dormir paisiblement. Il respire régulièrement.

              Il a appelé sa mère deux fois aujourd'hui. La première fois, ils se sont embrouillés, comme souvent. Ils sont aussi insupportables l'un que l'autre. Philippe n'a ni appelé, ni répondu depuis deux jours. Je crois qu'il fait la gueule parce qu'il n'a pas été invité samedi dernier. Nicolas est toujours hospitalisé. Il ne passe plus et écourte les appels de Franck.

              Comme nous sommes seuls ! Comme je suis seule ! Personne à qui parler, personne avec qui sourire un peu. Franck ne pense qu'au sexe et à sa petite personne. Il n'y a que ses blagues de cul qui l'amusent. Pipi, caca, ça le fait rire. Le reste du temps,  il se regarde le nombril. Et je dois écouter.

              Je souffre. Chaque jour. Je redoute de me lever le matin, en me demandant quelle pauvre journée je vais encore passer.

              Partir ? Facile à dire. Où ? Comment ? Et toute seule comme toujours.

              Et si je me disais tant pis, c'est comme ça, c'est ma vie et je n'ai qu'à l'accepter. Une vie sans joie et surtout sans amour d'aucune sorte, tant pis, c'est ma vie, c'est comme ça. Un jour, il se passera quelque chose, on verra bien quoi.

              Mon psy est gentil, il m'écoute, il me fait mon ordonnance, mais il n'a pas de solution.

              Je m'ennuie profondément.

              Franck se réveille, je quitte, sinon il vient espionner ce que j'écris derrière moi.  

  • Mercredi

     

              Bon gré, mal gré, la vie reprend son cours. Je ne sais pas trop où j'en suis. Franck s'est calmé, moi aussi. Et c'est reparti pour un tour.

              Sa mère est sortie de sa clinique de rééducation aujourd'hui. Il est allé la voir cet après-midi. Moi, j'ai fait du ménage. Hélène finira demain. Elle vient le jeudi maintenant.

              Je me suis payé un nouvel ordinateur. Il est très bien.

              Gwen est venu nous voir samedi dernier. Il a pris le bus et le train et nous l'avons ramené chez lui en voiture. Un après-midi sympa, nous avons joué à un nouveau jeu de société. Franck n'avait pas invité Philippe, quel soulagement ! 

              Vendredi, j'ai vu mon psy. J'ai beaucoup parlé, ça m'a fait du bien. J'en avais besoin.

              Rien de palpitant, donc. Je vais faire mon possible pour retrouver un peu de joie de vivre. Elle ne doit pas être bien loin.

  • Samedi

     

              J'ai reçu une réponse pour le studio. Il est réservé. Dommage, mais pourquoi ne retirent ils pas l'annonce ? Un peu déçue, mais je vais continuer à chercher.

              Pendant ce temps, Franck se demande comment il va faire tout seul. Me propose une "colocation". Rassurez-vous, je dis non, même s'il me fait un peu de peine. Je n'oublie pas toutes les fois où il m'a fait vivre l'enfer sans raison par le passé. Ni toutes les fois où il le fera dans le futur. Aujourd'hui, il a tenté sa chance et m'a proposé du sexe. Là aussi, j'ai dit non. Il a répondu qu'au moins, il avait essayé. C'est le genre de chose qui pourrait le mettre de mauvaise humeur, à la longue. Mais ma recherche de logement dépend en grande partie de l'humeur de Franck. Soit il est cool et j'ai le temps, soit il me fait des misères et je suis dans l'urgence. On verra.

              Finalement, Gwen n'est pas venu aujourd'hui car il avait mal dormi et se sentait angoissé. Demain, c'est le père de Franck qui va passer nous voir car il fait une visite dans la région. La dernière fois que je l'ai vu, nous venions de nous marier !

              C'est tout pour aujourd'hui !

  • Vendredi

     

              Mon forfait de téléphone est activé. Mercredi, j'ai fait le ménage, et hier, Hélène est venue nettoyer les vitres.

              Je suis fière de moi aujourd'hui car j'ai postulé pour le studio qui se situe dans la rue derrière l'appart. J'ai scanné tous les documents nécessaires et posé une demande de visite. Franck s'est même porté garant pour moi. Il n'y a plus qu'à attendre un appel de l'agence. J'aimerais tellement que ça marche !!

              Sinon, il y a un appartement vraiment bien et pas cher du tout, mais c'est à une vingtaine de kilomètres d'ici, ça fait loin quand même. C'est en pleine campagne, ça doit être un tout petit village. Mais bon, j'ai une voiture. Nous en avons chacun payé la moitié et, pour l'instant, Franck a décidé de ne pas me réclamer sa part, si je le véhicule quand il en a besoin, par exemple pour le dentiste ou d'autres rendez-vous médicaux. Pour ça, il me préfère à sa mère ou à Philippe.

              En parlant de cette dernière, Franck l'a appelée ce matin et elle est toujours aussi chiante, même à distance. Elle revient le 26 novembre. J'ai hâte d'être débarrassée d'elle, et sans doute elle de moi !

              Enfin, voilà, tout va bien, l'entente avec Franck est bonne, tout ce que j'ai à faire, c'est chercher des logements qui me conviennent, et postuler !

              D'ailleurs, Franck s'est adouci et il veut bien voir Gwen qui vient nous rendre visite demain. Il a aussi décidé de ne pas laisser Philippe tout seul pour le Nouvel An et l'a invité pour le réveillon, à la condition qu'il prenne une douche (ici, donc :/). Je m'en serais bien passée du Philippe. Je ne sais d'ailleurs pas comment il va faire, car il ne pourra pas fumer.

              Franck est toujours autant persuadé que je vais finir en couple avec Gwen. Impossible, malgré mes récriminations, de le faire penser différemment. C'est chiant, la schizophrénie. 

  • Mardi

     

              Ouf, ça va bien mieux aujourd'hui ! Après une matinée tendue, l'ambiance s'est dégelée en début d'après-midi. Franck a abandonné ses regards haineux et a daigné m'adresser la parole. Nous avons discuté de notre séparation, divorce, logement, voiture, etc... Bon, ça devrait bien se passer.

              Il faut juste que je trouve un studio ! Vivement que mon forfait de téléphone soit enfin activé !

  • Lundi

     

              Je me fais bien chier aujourd'hui. Je suis restée collée au pc (qui ne m'appartient même pas, c'est celui de Franck, le mien est tombé en panne il y a peu) toute la journée. J'ai vu les infos, ensuite des documentaires intéressants sur Canal+Docs, un peu de tennis sur Eurosport, puis du snooker. Là, je regarde un film (Little Miss Sunshine), et ce soir, il y aura encore du tennis.

              L'ambiance est plutôt lourde avec Franck. Philippe est passé dans l'après-midi récupérer un truc. Il puait comme jamais, et Franck n'en finissait plus de lui lécher le cul. Tu veux un café ? Tu veux un deuxième café ? Un troisième ? Tu veux un yaourt ? Un deuxième yaourt ? Tu veux que je te mette la télé ? Tu veux regarder quoi ?? Tu veux ci ? Tu veux ça ? Il lui a demandé de se laver les mains. Philippe a rechigné, Franck a insisté. Il s'est essuyé les mains avec le torchon à vaisselle qui est sans doute foutu car c'est de la merde qu'il avait sur les doigts. Et il s'est barré rapidement car il ne pouvait pas fumer.

              J'avoue que je ne comprends pas Franck. Je ne suis pas parfaite, c'est vrai, mais j'ai toujours été gentille et sympa avec lui. Et c'est à moi qu'il fait des misères. Pareil pour Gwen. Franck ne veut plus le voir, pourtant, lui aussi s'est toujours montré sympa, correct et poli (et propre...). Franck préfère Philippe qui ne lui décroche pas un mot. Non, je ne comprends pas.

              D'autant qu'il va se retrouver bien seul sans moi et sans Gwen. Il ne reverra peut-être jamais Nicolas, toujours hospitalisé, plus mal que jamais. Il n'a personne à part Philippe et sa mère, qui va avoir le champ entièrement libre désormais. Son père habite loin et s'en fout un peu de lui. Il a sa vie, ailleurs, il n'est que peu concerné par les problèmes de Franck. Leur relation consiste en de rapides coups de fil, la plupart du temps à l'initiative de Franck, sans la moindre consistance. Et des vidéos d'humour échangées sur WhatsApp.

              D'ailleurs, ce sont les trois appels que Franck, en mal de conversation, a passé cet après-midi. Son père, Philippe et sa mère. Il a évoqué le divorce avec ses deux parents, qui n'en avaient rien à foutre.

              Ce matin, il a quand même essayé de me récupérer. Il m'a proposé qu'on vive ensemble sous le même toit, mais sans être ensemble. Arf ! Il a dit aussi qu'il se voyait mal vivre seul. Tant pis pour lui. En gros, il voulait dire : je ne t'aime pas, je ne veux pas être en couple avec toi, mais j'aime tous les services que tu me rends sans rien demander en échange. Je ne t'aime pas, je ne t'apporterai jamais rien de bon pour toi, mais j'aime que tu exécutes toutes mes volontés sans rien dire. Voilà ce qu'il me proposait ce matin. Il a compris, par mon manque flagrant d'enthousiasme, que je n'étais pas d'accord.

              Il y a un studio pas trop mal et dans mes prix, pas très loin d'ici. Seulement voilà, pour le moment je suis bloquée par un changement de forfait téléphonique qui va prendre quelques jours. Je ne peux pas postuler. Je ne peux ni appeler, ni recevoir des appels. J'espère que le studio va m'attendre.

              Du positif ? J'en ai. Je ne fume plus et je ne bois plus d'alcool. Vape et tisane. :)

              Pour finir cette longue note, il y a peu, j'ai fait trois rêves, dans lesquels j'étais aimée. Des gens m'aimaient, je ressentais leur amour et c'était tellement bien ! Cela arrivera-t-il un jour dans la réalité ?

  • Dimanche

     

              Séparation, divorce, c'est sur ces mots que se terminent ce dimanche et cette semaine difficile. C'est plutôt une bonne chose. Je précise que c'est Franck qui a lâché ça le premier, et je ne peux qu'acquiescer. Moi, je n'aurais pas pu le dire, ça me fout trop la trouille de prendre ce genre de décision. Enfin, voilà, c'est dit. Vous vous en doutez, si j'avais su, je ne me serais pas mariée. Pas grave.

              Je suis partagée entre plusieurs sentiments. Le soulagement, d'abord. Ensuite, la trouille de ce qui m'attend. Et enfin, un sentiment indicible sur la période qui s'ouvre devant nous. Comment allons-nous cohabiter entre maintenant et le moment où je vais partir ? Comment allons-nous nous supporter ? Comment Franck va-t-il se comporter avec moi dans les jours à venir ?

              Il se peut aussi qu'après réflexion, il change d'avis. Ce ne serait pas la première fois qu'il me fait ce coup-là. Et que je me laisse embarquer une fois de plus. Et si c'était le cas, ce serait désespérant.

  • Jeudi

     

              Comme prévu, je suis allée chercher Franck à l'hôpital vendredi matin. Je suis partie de bonne heure, pensant que ça lui ferait plaisir, tout comme l'appartement tout propre qui l'attendait. L'après-midi, veille de jour férié, je suis allée à la pharmacie chercher tous les médicaments dont il avait besoin. Le soir, une infirmière est passée en coup de vent lui expliquer comment faire sa piqûre d'insuline tous les soirs, ainsi que le protocole établi à l'hôpital pour mesurer sa glycémie. Elle passera régulièrement pendant un certain temps.

              Samedi et dimanche, rien à signaler, à part une nuit blanche pour Franck entre vendredi et samedi. Il a maintenant un masque relié à une machine pour dormir, et ce n'est pas évident.

              Lundi après-midi, comme Franck s'agitait comme un lion en cage, nous sommes même sortis marcher un petit quart d'heure. Pas plus car il n'a vraiment pas l'habitude de faire de l'exercice et il a vite eu mal aux jambes. En tout cas, il semble avoir moins mal au dos.

              Mais voilà, depuis mardi matin, c'est l'enfer. L'atmosphère est irrespirable et une fois encore, je me demande ce que je fais ici, avec cet homme, qui ne montre pas la moindre reconnaissance envers tout ce que je fais pour lui depuis si longtemps. Qui me reproche des choses sans importance et me traite comme sa bonniche.

              Hier après-midi, je l'ai emmené chez le généraliste. Là-bas, il a appris que sa mère avait appelé ce dernier et qu'il avait refusé l'appel. On ne sait pas ce qu'elle voulait dire au médecin, mais elle n'a rien dit à Franck sur le sujet. Encore une fois, elle se mêle de ce qui ne la concerne pas et se montre intrusive, comme d'habitude.

              J'en ai marre de ces deux-là, et en plus, j'habite chez eux ! :/